LA CHRONIQUE THÉÂTRE DE JEAN-PIERRE LÉONARDINI

VIF ÉLOGE DE L’ILLUSION COMME VÉRITÉ - L'Humanité

« LE SOMPTUEUX BARATINEUR QUE JULIEN GAUTHIER HABITE COMME EN DANSANT LES MOTS. » 

Julien Gauthier signe la mise en scène de la pièce le Menteur, de Pierre Corneille (1606-1684), créée au Théâtre du Marais en 1643 (1). Il tient le rôle-titre en la personne de Dorante, jeune bourgeois flamboyant natif de Poitiers, « monté » à Paris pour se faire une place au soleil et qui se la joue, comme on dit juste- ment de nos jours. C’est donc une comédie de ca- ractère, mâtinée d’une comédie d’intrigue, laquelle, bien qu’agencée à gros traits, tire son efficacité d’une exquise volubilité en alexandrins. C’est bien le moins avec celui dont Napoléon, pensant au genre noble de la tragédie, put dire : « S’il vivait, je le ferais prince ! » Du vivant de Corneille, où l’on chipotait fort sur la morale, on trouva l’auteur trop indulgent avec son héros. Il dut composer la Suite du Menteur, dans laquelle il se montrait moins coulant à son endroit. Tout ça, c’est loin. À présent, repasser par Corneille, pour la jeune troupe du Théâtre en pierres dorées, cela revient à s’attaquer au vers au sein d’une idéale défense et illustration des vertus du théâtre, cette « il- lusion comme vérité » qu’affirmait Giorgio Strehler, qui ne se fit pas faute de monter l’Illusion comique, de Corneille, un chef-d’œuvre résolu. 

C’est bille en tête, en costumes choisis chez Agnès B., sur un tréteau surmonté d’une arche évoquant sobrement la Place Royale (scénographie de Jessica Chauffert et Julien Gauthier), que les comédiens (Laurence Besson, Amandine Blanquart, Clément Carabédian, Damien Gouy, Rafaèle Huou, Clément Morinière, Juliette Rizoud, Julien Tiphaine) s’avancent dans le texte en obéissant en toute simplicité aux lois de l’emploi : le père berné, l’amoureux (ou plutôt l’amant, terme d’époque) jaloux, les domestiques malins, les filles à marier sur le qui-vive, plutôt fines mouches, et pour finir, et pour commencer, le somp- tueux baratineur que Julien Gauthier habite comme en dansant les mots. Ce travail théâtral, ferme  dans sa réalisation, qui témoigne d’une simplicité concrète de bon aloi, en même temps que d’une juste visée intellectuelle, est le fruit du compagnonnage de Christian Schiaretti et de l’École nationale supé- rieure des arts et techniques du théâtre sise à Lyon. Le soir où j’y étais, des élèves de terminale ont fait fête à ce vieux birbe de Corneille, qui sut si bien – la preuve – s’adresser à la jeunesse éternelle, avec ou sans iPod. Tout n’est pas perdu. 

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